Une girafe dans le jardin
Récit de l’une des activités des quinze jours du camp de vacances organisé à la Maison début juillet 2019
C’est en sirotant un café que l’idée nous est venue de créer “notre” jardin zoologique, et ce à défaut de pouvoir nous y rendre avec les enfants inscrits au camp d’été – il n’est pourtant qu’à une demi-heure de route d’ici, juste derrière le mur de séparation.
Notre ami et responsable du camp, l’artiste-peintre-sculpteur et animateur socio-culturel Ayed rebondit de suite et avec la richesse de ses idées, des rêves de l’imaginaire de chacune des personnes présentes autour de la table le projet prend forme : le jardin de “la Maison” (notre espace à Bethléem) se prêtera à merveille pour y “placer” les animaux…
Nous voyons grand : grande sera la girafe qui pourrait bien atteindre les plus hautes branches du grenadier, long et fort sera le crocodile dans son point d’eau fictif sous le figuier… et même plus ! au diable, la chronologie ! Un dinosaure aura aussi sa place au milieu des oliviers centenaires !
On prend quelques notes, on se répartit les tâches. Ayed et Lisa s’occuperont de confectionner de A à Z les ” bébêtes”. Ils veilleront à encadrer les enfants pour qu’ils puissent participer aux différentes étapes de la fabrication. Jiries et Nabeel s’occuperont de l’encadrement des enfants durant les activités parallèles et les phases de transition qui sont souvent, avec des enfants débordant d’énergie, source de quelques débordements…
Après avoir collecté des montagnes de cartons dans tout Bethléem, nous organisons le matériel dans un coin du jardin. Deux grandes bâches tendues entres les arbres devraient nous protéger du soleil si fort en juillet.
8 juillet. Premier jour du camp. Les enfants sont accueillis et informés sur le lieu, sur l’Association et le projet de ces deux semaines.
Certains d’entre eux étaient déjà présents lors du camp de l’an passé et s’en vantent auprès des nouveaux ! Un zoo ? Des animaux en carton ? C’est l’étonnement, l’impatience.
Pour ce premier contact, on leur propose de dessiner, de faire un collage ou bien de sculpter (avec de la pâte à modeler) un animal de leur choix.
Pour certains c’est un vrai plaisir. Pour d’autres, ayant si peu l’occasion d’avoir accès à ce matériel, si peu l’occasion de s’exprimer de cette façon, c’est très difficile. Ils seront soutenus, encouragés, aidés par nous mais aussi par d’autres enfants.
Après la pause, on parle un moment de ce premier défi… on les aide à sortir du système ” juste-faux” dans lequel ils sont toute l’année. On leur offre une chance d’être créatifs, d’aller chercher au fond d’eux-mêmes cette énergie créative.
Ainsi, Ayed et Lisa, devant le groupe d’enfants assis et silencieux, entament la “sculpture” de la girafe… ils sont étonnés de voir que ni clous ni gros moyens ne sont nécessaires, seulement bien maîtriser le geste et s’assurer de la solidité au départ.
Ils comprennent peu à peu à quelle étape de la fabrication ils vont mettre la main à la “colle”…
Les jours passent, les animaux sont entre de bonnes mains. Laborieuse et longue étape de collage de feuilles de journaux, apprendre à doser la colle, n’avoir pas peur de lâcher le pinceau et y aller avec les doigts, prendre plein de positions pour envelopper tout l’animal durant cette étape cruciale pour la solidité du tout… Bref, il faut de la patience et de l’endurance à ces jeunes qui sont tellement habitués à “zapper”…
Mais ils voient bien que, peu à peu, les carcasses prennent forme ; même plus, elles prennent vie. C’est si beau ces exclamations soudaines…dans un coin du jardin : “He! Vraiment, c’est un crocodile, une girafe, un zèbre…”
Certes parfois lorsque tous les enfants sont partis, Ayed et moi-même passons un petit moment à réparer, recoller, restructurer, reformer… mais ce n’est que du plaisir. L’essentiel est que les enfants ont participé activement au processus.
Puis enfin après la première couche de peinture blanche “facile”… avec de très, très larges pinceaux arrive le moment tant attendu de choisir les couleurs. Sans trop d’explications, ils comprennent que tout ceci est de l’art …et donc que l’imagination a libre cours.
La sélection des désirs du moment se fait très naturellement. Ceux qui ont envie d’aller voir ailleurs rejoignent Nabeel et Jiries pour d’autres activités, à l’intérieur.
Un petit groupe reste malgré la chaleur (il fait déjà 33 à 35 degrés sous les bâches). Fidèles ? Curieux ? Artistes dans l’âme ? Sans doute tout cela à la fois…
La dernière étape peut commencer. Ils s’organisent incroyablement bien pour que toute la surface soit harmonieusement badigeonnée de peinture.
Le dinosaure en voit de ” toutes les couleurs”… La girafe atteint “des sommets”… Le croco patauge déjà la gueule ouverte et les autres attendent leur tour.
Plein midi. Il fait trop chaud. Il faut rentrer. Mais avant les enfants reculent, s’éloignent, ont appris à regarder en perspective, admirent le résultat…
Sous le néflier, deux bassines d’eau : l’une pour tremper les pinceaux, l’autre pour se laver les mains.
Les peintres font une dernière pause, une dernière halte, comme un temps de réflexion les bras dans l’eau devenue tiède par la chaleur ambiante en papotant à voix basse au sujet de cette expérience nouvelle.
Puis ils s’en vont rejoindre leurs camarades… au frais !
Liza Abu Laban – août 2019
